19 avril 2017

Les castings improbables

Christopher Lee & Bernard Menez dans Dracula, père et fils (1976) d’Édouard Molinaro
 
À leurs débuts, il arrive que de futurs grands comédiens se retrouvent dans des productions surprenantes. Un exemple célèbre : Robert De Niro aperçu pour la toute première fois devant une caméra de cinéma... dans un film français ! Le film, Trois chambres à Manhattan (1965), le montre attablé dans un diner new-yorkais derrière les vraies stars du film : Annie Girardot et Maurice Ronet, le jeune Vito Corleone faisant alors ses débuts sous la direction du grand Marcel Carné.
Ça, c’est la classe.
 
À l’inverse, il existe des cas un peu moins glorieux, voire catastrophiques, où des comédiens confirmés depuis longtemps se perdent dans des productions médiocres, sûrement afin de payer leurs impôts. Comment le bergmanien Max Von Sydow par exemple, a-t-il pu se retrouver mêlé au fiasco délirant de Vercingétorix (2001) ? Dans ce nanar, on y découvre l’acteur du 7ème Sceau aux côtés de Christophe(r) Lambert, Inès Sastre, Bernard-Pierre Donnadieu, ou des joueurs de rugby du XV de France (Denis Charvet et Vincent Moscato).
Ça peut aller de l’anecdotique comme le caméo de Sylvester Stallone dans Taxi 3 (Rocky dans un film avec Samy Naceri, Frédéric Diefenthal ou Édouard Montoute)... à des cas plus affligeants, comme Al Pacino dans Jack et Julie (2011), énième comédie pas drôle d’Adam Sandler. Notons que deux comédiens aux univers, disons, assez « éloignés », à savoir Johnny Depp et Gad Elmaleh, ont aussi participé à ce film.

Bref, voici quelques cas de castings tellement improbables que, si vous ne les connaissiez pas, vous allez croire que je les invente...

Chabrol et la Nouvelle Vague

Il y a les mélanges célèbres qui parlent directement aux cinéphiles, comme le casting de ce chef-d’œuvre intemporel que restera Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard, pour lequel le cinéaste est allé chercher Brigitte Bardot et Michel Piccoli bien sûr, mais aussi Jack Palance et Fritz Lang.
  
Casting de Moi, Fleur bleue (1977)

Dans des cas beaucoup moins célèbres, situés entre le succès planétaire de Taxi Driver (1976) et la consécration du Silence des agneaux (1991) de feu Jonathan Demme, Jodie Foster a tourné plusieurs films en France, dont le rôle-titre de Moi, Fleur bleue d’Eric Le Hung, dans lequel elle a partagé l’affiche notamment avec Jean Yanne, Claude "ma biiiche" Gensac, Marthe Villalonga ou Bernard Giraudeau.
Quelques années plus tard, Jodie Foster interprètera le rôle principal du Sang des autres (1984), adaptation de Simone de Beauvoir par Claude Chabrol, dans laquelle elle donnera la réplique au Canadien Michael Ontkean (le shérif Truman de Twin Peaks), à Sam Neill, Lambert Wilson et aussi Stéphane Audran, Alexandra Stewart et Jean-Pierre Aumont. Le spectateur attentif y remarquera également les apparitions du cinéaste Samuel Fuller et de "l'inconnu" (pour le coup inconnu) Didier Bourdon !

Le reste du casting du Sang des autres (1984) avec Jodie Foster

Chabrol semblait aimer les mélanges improbables. Pour Les Liens du sang (1978), outre évidemment Stéphane Audran, il est allé chercher Donald Sutherland, Donald Pleasence et l'acteur de Blow-Up David Hemmings.
Pour Folies bourgeoies (1976), Bruce Dern, Sydne Rome, Jean-Pierre Cassel, Ann-Margret, Francis Perrin, Curd Jürgens, Tomás Milián et Charles Aznavour se partagent l’affiche.
Enfin un dernier pour la route, dans Alice ou la dernière fugue (1977), dans lequel n’apparaît pas Stéphane Audran, c’est l’actrice érotique Sylvia Kristel (Emmanuelle) qui joue le rôle principal, aux côtés d’André Dussollier, Jean Carmet et Charles Vanel...

Un autre homme, une autre chance (1977)

Restons avec un autre pilier de la Nouvelle Vague française, Claude Lelouch, qui en 1977 sort Un autre homme, une autre chance, western lelouchien donc, dans lequel James Caan croise Geneviève Bujold et Christopher Lloyd, mais aussi Francis Huster, Jacques Villeret, Jacques Higelin et Michael Berryman !
Mais c’est avec Les Uns et les autres (1981) que Lelouch offrira un casting assez incroyable. James Caan, à nouveau, se retrouve cette fois aux côtés de la débutante Sharon Stone, dans un film qui compte également Robert Hossein, Nicole Garcia, Geraldine Chaplin, Macha Méril, Évelyne Bouix, Francis Huster, Jean-Claude Brialy, Paul Préboist, Marthe Villalonga, Fanny Ardant, Richard Bohringer, Nicole Croisille, Ginette Garcin, Jean-Pierre Kalfon, Alexandra Stewart, Christophe Bourseiller, Jean-Pierre Castaldi (dans la version longue télévisuelle), Bernard-Pierre Donnadieu, Charles Gérard ou Francis Lai.

Une partie du casting des Uns et les autres (1981)

Hollywood & les Franchouillards


Quand on cite le nom de Robert Mitchum, on pense à un classique du film noir comme La Griffe du passé (1949), ou à La Rivière sans retour (1954) avec Marilyn Monroe, ou bien sûr à La Nuit du chasseur (1955), entre autres. En revanche, Présumé dangereux de Georges Lautner, on y pense moins...
Cette adaptation plutôt d’un roman d’Hadley Chase transposée à Nice (la ville du réalisateur des Tontons flingueurs), scénarisée par le producteur du film Sergio Gobbi, est un navet abyssal qui a probablement servi à l’acteur des Nerfs à vif (l’original) de payer ses impôts. S’il n’a sûrement jamais été sobre sur le tournage (et c’est sûrement la raison pour laquelle son personnage semble si peu concerné par ce qui se passe), ce film a été l’occasion pour lui de croiser le chemin de Michael Brandon (héros de la série Mission casse-cou), Sophie Duez, Francis Perrin ou Marie Laforêt. En gros, des gens qu’on ne crois jamais dans une vie normale.

Présumé dangereux (1990)
 
Sergio Gobbi avait déjà adapté Sauf votre respect du même Hadley Chase l’année précédente, avec toujours Michael Brandon dans le rôle principal, mais aussi Guy Marchand, Arielle Dombasle et David Carradine, et cette fois réalisé par un autre papy en bout de course, Guy Hamilton (Goldfinger) dont c’était le dernier film...

Dans les années 70, la troupe du Splendid faisait ses débuts au café-théâtre et cachetonnait en tant que figurants dans des productions très diverses. Des réalisateurs comme Georges Lautner, toujours lui, ont alors commencé à faire appel à eux pour rajeunir leurs troupes de comédiens.
Mais c’est dans un cinéma un poil différent de celui de Georges Lautner (même si on y retrouve Philippe Sarde), et plus exactement chez Roman Polanski, que nous verrons le temps d’un chef-d’œuvre kafkaïen, Le Locataire (1976), des stars dramatiques comme Isabelle Adjani, Melvyn Douglas et Shelley Winters faire partie d’un casting international comptant ces jeunes recrues alors inconnues du grand public, comme Josiane Balasko, Gérard Jugnot, Michel Blanc et Romain Bouteille, mais aussi de figures déjà confirmées comme Bernard Fresson, Rufus, Claude Piéplu ou Polanski himself.

Casting du Locataire (1976)
  
Le cinéaste réitéra ce même mélange international avec l’excellent thriller Frantic (1987), dans lequel le pauvre Harrison Ford se retrouve dans un face à face avec un commissaire de police français, interprété par... Yves Rénier.
Cela ne vous rappelle rien ? Eh oui. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’en une confrontation d’une minute, où Rénier est donc dirigé par un immense metteur en scène, l’acteur joue mieux que dans toute sa carrière du Commissaire Moulin. 
Une fois encore, une mégastar américaine se trouve au cœur d’un impressionnant casting camembert 5 étoiles, composé de Gérard Klein, Dominique Pinon, Artus de Penguern, Patrick Floersheim, Marc Dudicourt ou la toute jeune Emmanuelle Seigner, ici dans son tout premier rôle avant qu’elle ne devienne madame Polanski (le plus beau coup de la carrière du directeur de casting Dominique Besnehard, selon le réalisateur).
 
Mais revenons sur les grandes heures de gloire de la comédie française, et évoquons le cas (extra-terrestre) de... Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir (1984) de Philippe Clair. Le réalisateur remplace Aldo Maccione, alors son acteur fétiche, par Jerry Lewis qui campe le fils de Jackie Sardou. Ça démarre fort.
Au cours de cette comédie torchée et totalement navrante, Jerry Lewis et son comparse (joué par le réalisateur himself) croisent Connie Nielsen (future actrice de Gladiator ou LAssocié du diable), Philippe Castelli, Marthe Villalonga, Dominique Zardi ou Philippe Caroit.
Cerise sur le gâteau : c’est le compositeur de Robert Zemeckis, Alan Silvestri (Retour vers le futur) qui a signé l’épouvantable musique synthétique du film. Croyez-moi, je n’invente rien.

Casting de Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir (1984)
  
Restons dans la qualité en évoquant, parce qu’il le faut bien, l’inénarrable groupe d’humoristes portés sur la chansonnette (ou de musiciens comiques, à vous de voir) qu’étaient les Charlots. Ceux qui de nos jours pensent qu’on a touché le fond avec les émissions débilitantes de Cyril Hanouna, ont la mémoire courte. Avant la France "black-blanc-beur" existait la France "pinard-bectance-roploplos" dans laquelle nos joyeux lurons ont pu faire des scores remarquables au box-office, avec ou sans Luis Rego.

Bons baisers de Hong Kong (1975)
 
Dans Bons baisers de Hong Kong (1975) d’Yvan Chiffre, nos chers Gérard, Jean, Phil et Jean-Guy sont devenus des espions maladroits (évidemment) qui remplacent un certain James Bond, l’espion britannique étant mort en mission. Ils rencontrent, pour de vrai, les deux seuls acteurs officiels de la saga à avoir accepté de jouer des rôles importants dans cette parodie française, à savoir Bernard Lee (« M », le patron de Bond) et Lois Maxwell (Miss Moneypenny), et croisent Mickey Rooney  qui interprète la chanson principale écrite par Gérard Rinaldi.  

 Wanted (2003) de Brad Mirman
 
Avez-vous déjà rêvé de voir un film qui réunirait Gérard Depardieu, Harvey Keitel, Johnny Hallyday, Renaud, Saïd Taghmaoui, Stéphane Freiss et Richard Bohringer ? Bien sûr que non, personne ne veut voir ça. À part semble-t-il Brad Mirman, obscur cinéaste américain qui ne réalisera que deux films, dont ce fameux Wanted (2003), navet au casting improbable que je viens de citer, et dont le visionnage est tout-à-fait dispensable... 

Poursuivons dans le genre WTF avec l’étonnant duo Burt Reynolds / Elie Semoun, eh oui. Le film aborde le même sujet que le futur Nightcrawler (2014) avec Jake Gyllenhaal, sauf que celui-ci est passé inaperçu : Stringer (1991), réalisé par Klaus Biedermann (cinéaste franco-allemand qui signera surtout des épisodes de séries sur la police scientifique pour TF1, genre Section de recherches alias CSI: Bordeaux)...
Il y a donc le cas des comédiens qui quittent le pays de lOncle Sam le temps de cachetonner dans nos contrées, et puis il arrive aussi que des acteurs français partent jouer dans des films américains. Passons rapidement sur les cas bien connus dOmar Sy, Yvan Attal ou de Jean Dujardin et autres Lambert Wilson qui apparaissent cinq minutes dans des superproductions hollywoodiennes, ou jouent les méchants Français de service comme Jean Réno ou Tchéky Karyo.
  
Si je vous dit Peter OToole, alias Lawrence d’Arabie, et Jacques Balutin, alias « Les Grosses Têtes de RTL » vous me répondez... Whats New, Pussycat? (1965), bien sûr ! Bonne réponse d’Olivier de Kersauson...
Si de nos jours ce titre évoque davantage la chanson du générique, composée par Burt Bacharach et chantée par Tom Jones, le film pour lequel elle a été écrite a quand même été un gros succès en son temps.  Le casting de cette comédie inégale (et très datée), signée Clive Donner, mélange stars internationales et vedettes typiquement franchouillardes de l’époque. Nous retrouvons donc Peter Sellers en compagnie de Romy Schneider, Françoise Hardy, Woody Allen, Capucine, Ursula Andress ou Richard Burton.
  
Le reste du casting de Whats New, Pussycat? (1965)
 
Philippe Noiret a également partagé laffiche avec Peter O’Toole à loccasion de deux très bons films : La Guerre de Murphy (1971), film de guerre réalisé par Peter Yates (Bullitt), et surtout La Nuit des généraux (1967) d’Anatole Litvak qui nous offre un casting en or.

La Nuit des généraux (1967)

Ce dernier compte tout de même Omar Sharif, Christopher Plummer, Philippe Castelli, Juliette Gréco, Pierre Mondy, et deux acteurs ayant joué le rôle de Blofeld chez 007 : Donald Pleasence et Charles Gray.
 
Le genre « film choral »

Dans un « film choral », un nombre souvent important d’histoires (et donc d’acteurs) s’entrecroisent. Il est donc assez courant de voir se dérouler sous nos yeux un impressionnant générique constitué de célébrités, à l’instar de certains films de Robert Altman, pour qui les stars n’hésitaient pas à descendre leur cachet, permettant ainsi au film d’être financé.

Une partie du casting de The Player (1992)
 
Précisément situé dans le monde d’Hollywood, l’excellent The Player (1992), surnommé « le film aux 80 stars », contient un casting assez incroyable, notamment Tim Robbins, Whoopi Goldberg, Greta Scacchi, Sydney Pollack, Jack Lemmon, Andie MacDowell, Cher, John Cusack, Jeff Goldblum, Peter Falk, Anjelica Huston, Susan Sarandon, Nick Nolte, Malcolm McDowell, Bruce Willis ou Julia Roberts, souvent dans leurs propres rôles.
Dans Short Cuts (1993), le nombre de stars présentes au générique donne une nouvelle fois le vertige : Andie MacDowell, Jack Lemmon, Tom Waits, Julianne Moore, Matthew Modine, Anne Archer, Fred Ward, Jennifer Jason Leigh, Chris Penn, Robert Downey Jr., Madeleine Stowe, Tim Robbins, Peter Gallagher, Frances McDormand ou Buck Henry
Mais le film au casting le plus improbable d’Altman est aussi –hélas– l’un de ses plus mauvais : Prêt-à-porter (1994), un gâchis quand on voit qu’il est quand même interprété par Marcello & Chiara Mastroianni, Sophia Loren, Jean Rochefort, Kim Basinger, Jean-Pierre Cassel, Anouk Aimée, Rossy de Palma, Lili Taylor, Forest Whitaker, Tom Novembre, Julia Roberts, Tim Robbins, Michel Blanc, François Cluzet ou encore Lauren Bacall !
Casino Royale, version '67 colorée et délirante, n’arrange guère les choses. Peter Sellers, David Niven, Ursula Andress et Orson Welles croisent Woody Allen, Barbara Bouchet, Deborah Kerr, William Holden, Charles Boyer, Peter O’Toole, Jacqueline Bisset ou Jean-Paul Belmondo, dans une parodie de James Bond qui se révèle être surtout un foutoir incompréhensible, extrêmement daté et difficile à regarder jusqu’au bout. 

Casting de La Chasse à l’homme (1964) 
 
En France, pour La Chasse à l’homme (1964), le cinéaste Édouard Molinaro a réuni en un seul film une incroyable pléiade de grands comédiens : Jean-Claude Brialy, Claude Rich, Jean-Paul Belmondo, Catherine Deneuve et sa sœur Françoise Dorléac, Michel Serrault, Marie Laforêt, Marie Dubois, Micheline Presle, Bernadette Lafont, Mireille Darc, Bernard Blier, Francis Blanche et Noël Roquevert.

Le Jour le plus long (1962)
 
Enfin, même si nous sommes encore loin d'avoir tout vu, citons l'un des exemples les plus célèbres avec Le Jour le plus long (1962) de K. Annakin, A. Marton, B. Wicki, G. Oswald et D. F. Zanuck, qui permet notamment de voir Bourvil croiser le chemin de Sean Connery sur une plage du débarquement, dans un film qui comprend également Henry Fonda, John Wayne, Robert Mitchum, Paul Anka, Arletty, Jean Servais, Gert Fröbe, Richard Burton et un jeune figurant nommé Clint Eastwood alors non crédité.

(Cet article sera édité au fur et à mesure pour ajouter de nouveaux exemples)

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